J'étais parcouru par un flot d'émotion. Mes sens, ceux qui me restaient, me transmettaient beaucoup de bruit.
Énormément de bruit. Je savais qu'il y avait ici une forte activité mais jamais je n'avais entendu un tel débit
sonore. Je compris vite qu'avec la perte d'un de mes sens, les autres s'étaient accrus pour le compenser. C'était
une bien maigre tentative pour m'aider à me repérer dans cet univers incolore, qui me paraissait à la fois si
rassurant parce que familier, et étrangement inconnu. Je savais où j'étais parce que mon cerveau me servait
de gps, j'avais donc la ceertitude d'être dans le hall d'entrée de Poudlard. Quant aux gens autour, des élèves
devinai-je d'après leurs voix, je ne pouvais pas savoir leur identité. Avant, je connaissais quasiment tous les
élèves de mon année et même des autres années. Si mon esprit n'avait pas été chamboulé et perdu dans de
sombres réflexions, j'aurais sans doute pu reconnaitre les exclamations de camarades, d'amis à moi. Mais
quelque part je doutais que les gens se souviennent de moi. Je n'avais pas mis les pieds à Poudlard depuis
l'année dernière, depuis l'acci ... Formuler cela, rien que dans ma tête, m'était insupportable. Je balayai cette
pensée et eut une pointe de regrets en me disant que mes avis "d'avant" m'avaient probablement oubliés,
et s'ils s'étaient souvenus de moi, seraient bien déçu de me revoir ... ainsi. La honte d'être handicapé, et aussi
d'avoir échappé à la mort alors que j'aurais préféré y rester plutôt que de vivre cette existence, empourprait
mon visage. Heureusement cela ne se voyait pas derrière mes grosses lunettes. Je portais une paire de lunettes
"mouches" comme je les appelle, de grosses lunettes ovales/rectangles qui couvrent la moitié du visage à elles
seules. Elles étaient parfaitement opaques de façon à ce qu'on ne puisse pas me voir. Je ne voulais pas savoir
ce que penserais les gens que je connaissais en me voyant, c'était trop injuste. Juger les gens sur leur apparence
alors que j'en étais incapable! Bref, ma démarche d'ado sur de lui m'avait quitté et, pour ne pas risquer de
collision avec quelqu'un ou quelque chose, mes pas étaient minuscules et mal assurés. Derrière moi, j'entendis
des talons taper sur le sol. Mieux, je sentais chaque pas à travers les infimes vibrations du sol. Je ne pris
pas la peine de me retourner pour voir qui était la demoiselle qui portait les escarpins. Résigné, je savais que
je ne le verrais pas de toute façon. La fille s'adressa à moi, à ma surprise ...

Je m'arrêtais, sentis que l'autre fille faisait de même. Évidemment, je ne pouvais
voir son blason. "Comme tout le reste"me dis-je distraitement, d'une voix que
même dans ma tête était lasse. J'étais las de la vie, de tout, de rien ... Mais je n'allais
pas m'en prendre à la fille qui m'adressait la parole, même si je sentais à son ton
que sa question, en apparence empathique, était plutôt curieuse/intéressée qu'autre
chose. J'en déduisis que c'était une Serpentarde mais je détestais les préjugés, même
si j'en avais pas mal, dont celui-ci. Je n'étais pas assez "expérimenté" encore pour
reconnaitre quelqu'un ou deviner la maison de quelqu'un à la tonalité de sa voix.
Bref, bizarrement, j'hésitais à répondre. Que répondre? Bien sur que j'avais un
problème, et encore le mot me paraissait bien faible. Je répondis d'un voix sans
vie, sans ton. Une voix que je voulus assurée mais le trouble de me trouver là,
à Poudlard, m'empêchait de contrôler.

- Oui. Pour être franc avec toi, oui j'ai des problème. Enfin un problème, mais
tu n'en as probablement rien à faire, pas la peine de t'embêter avec ça. ...

Ainsi, je pensais couper court à la brève communication. Toute communication était
vaine avec moi, et alors que j'étais si sociable avant, je n'avais plus du tout envie de
parler ou de revoir (enfin retrouvé plutôt ^^) quelqu'un que je connaissais. Cependant,
je m'en doutais à regret, la Serpentarde ne me lâcha pas.

Je lui répondis, d'un ton ... sans ton. Quant à sa main tendue, je ne la serrais pas.
Normal, je ne le savais pas. Je ne savais donc pas non plus si cela la froissait ni
rien. Eh bien tant pis. Répondant à sa muette question, je dis:

- Simon Darrow. Je ne suis pas nouveau, d'ailleurs on nom me dit quelque chose.
On se connait peut-être?

Question étrange certes. Mais bon, comment vouliez-vous que je m'en rappelle!
J'étais plutôt physionomiste, et j'étais privé de cet élément. J'aurais voulu me
procurer un moyen de reconnaitre les gens, avoir un contact tactile pour les
reconnaitre, mais je n'avais que leurs voix. Eh bien, j'allais faire avec, je n'avais
pas le choix de toute manière. Je mémorisais donc dans un coin de ma tête le
son de la voix de Mélinda, son timbre, sa tonalité. J'attendis sa réponse.

- Hum ...
murmurai-je sans vraiment prêter
d'attention à ce qu'elle disait.

- Que s'est-il passé à Poudlard??
demandai-je précipitamment, tout
d'un coup. Je me doutais qu'elle était
surprise. je dus donc me justifier:

- Je ... je n'étais pas à Poudlard depuis
le début de l'année ... Je ... J'ai eu un
accident. ^^

Je me tus, étonné par mes propres mots.
pourquoi racontai-je ma vie à cette fille?
Bizarrement, elle m'inspirait confiance.
"Peut-être plus que si j'avais pu la voir"
pensai-je vaguement.

Je restais un instant silencieux. J'avais écouté attentivement le récit de Mélinda,
et j'avoue qu'il m'avait surpris. Je n'étais pas le seule à avoir eu des "problèmes".
Mon tempérament casse-coup, ne pensant qu'à une chose incohérente, que
j'exprimais pourtant. Quand à sa curiosité sur mon accident, je me surpris
encore une fois à lui répondre honnêtement.

- Et dire que je n'étais pas là ... J'aurais vouludéfendre aussi ... 'Tain Mark, c'était
un pote ... Enfin bref. Je ... J'ai eu un accident de voiture. Mes parents sont morts,
et je suis aveugle à vie d'après les médecins. dis-je d'une voix sombre.
Je ne parvenais pas à bien contrôler mes émotions, mes mots, tout ça était encore
trop frai dans ma mémoire, cela m'éprouvait d'en parler et pourtant je ne voulais
pas garder cela pour moi. Je voulais en parler à n'importe qui plutôt que de continuer
à vivre dans ma bulle. Mon univers était si sombre ... Sans me contrôler, je lâchais
avec amertume: J'aurais préféré ne pas me réveiller.

Je restai là, ne sachant que répondre. En effet, je me souvenais à présent d'elle.
ne des Serpentardes qui s'amusent à martyriser les autres, ceux avec qui je me
disputaient tout le temps plus par principe que par vrai raison? ^^ Si j'avais pu
voir, comme avant, je ne lui aurais probablement jamais parlé "normalement",
mais mon handicap me le permettait. C'était une chance dans mon malheur, non?
Néanmoins, question de pas en rester là, je discours changer de sujet:

- Ça te dit de monter? Faut que j'aille voir la directrice... Euh sauf si tu vas
dehors. Il fait beau je crois. ^^

Je baragouinait pour ne rien dire. Pitoyable. Mais bon pas grave, j'avais d'autres
problèmes que de me la jouer devant des Serpentards. x)

- Oui, merci. Je connais Poudlard.
répondis-je froidement.

Je faisais partie de la 1ere catégorie d'aveugles, selon le classement de Mélinda. Et puis demander
de l'aide à une fille pour s'orienter alors que je vivais à Poudlard depuis 6 ans ... J'avais encore un
peu d'amour propre pour refuser son aide, même si en réalité j'hésitais un peu quant à l'itinéraire
à suivre. Néanmoins, je voulais juste connaitre mon point de départ, alors je demandai:

- Dis-moi juste par où sont les escaliers s-il te plait.

Je serrais les dents mais cela ne se voyait pas. Des pas d'aveugles sont beaucoup plus petits
que des pas "normaux" donc je me forçais à faire des grands pas. J'avais peur de heurter
quelqu'un, d'avoir la honte à à m'excuser sans même savoir qui j'avais percuté ... Bref je
n'étais pas très "relax". Heureusement le bureau de la directrice n'était pas loin. Arrivé
devant la porte monumentale, je demandais à Mélinda:

- Tu connais le mot de passe?

Trop de choses s'étaient passé depuis l'année dernière, et je ne m'en souvenais absolument
pas. En plus je n'était jamais allé chez la Directrice.

Mélinda claironna le mot de passe et j'entendis la pierre coulisser contre le mur.
Mélinda m'informa que le passage était ouvert. Sans plus attendre et sans un mot,
je m'y engouffrais, Mélinda à ma suite. Je mis une mains devant moi pendant 2 pas,
elle rencontra une porte de bois. Au toucher, je dirais du chêne. Bref, je toquai
fortement à la porte jusqu'à entendre la voix cristalline de la directrice, Lilly
Poppy. Elle nous autorisa à entrer dans son bureau, et alors que j'allais la
pousser, la porte s'ouvrit toute seule. Je fis quelques pas peu assurés ...

- Bonjour ...